Le visage d’Indil recommençait à se parer de quelques sourires, signe probablement que le discours de Simhour lui avait plus, même si elle n’était pas la plus romantique des gens du coin… Le vampire non plus, d’ailleurs. Enfin, quand ça lui convenait, si. Mais concernant Indil, les compliments qu’il venaient de lui faire n’étaient pas ce qui se faisait de plus fleur bleue ; bien loin des amants sans esprit qui élevaient leur objectif de copulation sur un piédestal tel le chien lèche les pieds de son maître, ses mots n’avaient rien d’hypocrite. Il le pensait réellement. Et le fait qu’Indil en ait été flattée montrait bien que son esprit, aussi foutraque fût-il, valait bien plus que celui des moutons d’Elladat.
Des moutons qu’il faut détruire.
Chut, toi !
Il allait vraiment falloir écourter cette conversation… damnation…
« Je te fais confiance pour gribouiller partout, » répondit-il à Indil sur un ton nonchalant.
Une lueur malicieuse illumina son regard. Il caressa les boucles rousses, splendides et brillantes malgré le peu de soin qui leur était apporté par leur maîtresse qui passait plus de temps à courir dans les bois qu’assise devant un miroir. Tirant gentiment dessus, il ajouta :
« Puisque tu n’es pas sage ! Va, va gribouiller partout à Elladat, en espérant que ça leur enlève un peu du plomb qu’ils ont dans la tête ! Si tout le monde était comme toi, on s’ennuierait moins là-bas ! »
Et puis il se releva. Indil ne disait plus grand chose. Enfin, si, elle répondait par moult commentaires effrontés au lyrisme légèrement exagéré de Simhour, mais il y avait quelque chose qui clochait. Ca restait gentillet par rapport aux piques habituelles de la jeune rousse, celles qui avaient failli pousser Simhour à l’égorger lors de leur toute première rencontre. Quant à sa réponse à la question larmoyante que lui avait posée le vampire, ce n’était pas vraiment une réponse. Elle avait l’occasion de le rembarrer violemment et ne l’avait pas saisie. La pauvre Indil devait vraiment commencer à être troublée.
« Alors je vais te laisser, ma douce, » conclut tout haut Simhour. « J’espère qu’on pourra se revoir quand je serai en meilleur état. Tu essaieras de porter une jolie robe. »
Il fit un effort de volonté pour tourner les talons. Oui, il aurait voulu rester ici avec la trop belle et trop pécheresse Indil – finalement à peine plus jeune, nota-t-il machinalement, que lui-même lors de sa mort –, mais Ahakom remontait peu à peu, et il avait l’air assez en colère pour se venger sur elle. Simhour ne voulait surtout pas ça. Alors, pour éviter de prolonger la conversation, il devait s’en aller.
Il s’arrêta néanmoins en entendant les derniers mots d’Indil, neutres en apparence, mais le vampire savait qu’il n’en était rien.
« Eh bien, » répondit simplement Simhour, « tu pourrais me dire que je t’avais manqué depuis cette nuit sur la tour, ou que tu as envie que je reste encore un peu. Mais je ne suis pas méchant, alors je ne vais pas te forcer à être hypocrite… ni à dire la vérité. »
Après ça, et sans attendre la moindre réponse, il partit. En courant, chose rare ; il n’osait pas voyager par le plan de l’Ombre comme à son habitude, de peur que cela laisse à Ahakom l’occasion de reprendre le contrôle. Mais il voulait s’éloigner d’Indil avant que quelque chose arrive qui le forcerait à rester. Alors il courut.