Ce soir-là, Indil avait, comme chaque fois que le jour commençait à décliner durant l'hiver, trouver refuge à la taverne. La taverne. C'était en quelque sorte sa maison. Une taverne serait toujours pour elle un abri et un endroit où elle serait totalement à l'aise. Et quand vous connaissez Indil en temps normal vous comprenez que lorsqu'elle est à l'aise... Elle est tout simplement intenable. Pourtant aujourd'hui elle restait immobile, inerte. Cela faisait presque deux heures que la rousse s'était affalée sur un des tabourets du comptoir et n'avait plus aucune envie d'en décoller. Le tavernier qui la connaissait bien à présent – lorsqu'une femme vient tous les soirs dans votre taverne sans exception et très souvent légèrement vêtue, vous le remarquez.- avait essayé de l'occuper mais il avait rapidement abandonné en voyant que ça ne donnait de toute façon rien . Et pis la taverne était pleine à craquer et il régnait une atmosphère surchauffée qui lui donnait beaucoup de travail.
Habituellement la féline s'en serait donné à coeur joie mais là... Non. Pas ce soir. Pause. Elle était comme morte, jouant pensivement avec son gobelet de whisky. Elle n'avait bu qu'une gorgée depuis qu'elle était arrivée. Par contre la jeune fille s'en était versé beaucoup plusqu'une gorgée sur les doigts en faisant tourner le verre. Elle s'en fichait. De ça comme de tout ce qu'il l'entourait.
«Je suis toute seule... »chuchota-t-elle douloureusement.
C'était ça. Pour une fois dans sa vie elle se conduisait normalement et avait besoin de compagnie autrement que pour jouer. Elle avait l'impression qu'une éternité s'était passée depuis qu'elle avait vues ses amies pour la dernière fois. Et aujourd'hui seule la case mélancolie marchait. Fichue esprit déréglé.
«Oh mais je suis là ma jolie! »
Elle leva les yeux au ciel. Evidemment pour une fois qu'elle passait pas sa soirée sur les genoux d'un bougre, ils lui collaient tous au train! La jeune fille soupira et se retourna vers le reste de la taverne , fouillant l'espace des yeux. Il fallait qu'elle se débrouille pour qu'on lui fiche la paix. Elle eut un sourire de vouivre en aperçevant un homme de belle tenue, aux traits pas laids et avec des yeux lumineux. Au sens propre du terme. Il lui rappellait un peu Simhour, très élégant, bien habillé. Le genre qui n'a rien à faire dans une taverne.
Elle se pencha au-dessus du comptoir pour attraper un deuxième gobelet et une bouteille de whisky. Indil la leva vers le tavernier pour l'avertir. Il acquiesca brièvement avant de s'occuper d'un autre client. Inspirant un grand coup, retrouvant dans le même temps un peu de son enthousiasme habituelle, elle sauta de son tabouret, s'aspergeant du même geste du contenu de son verre. Elle se dirigea vers l'inconnue de sa démarche un peu chancelante et beaucoup flegmatique, tenant d'une main ses deux timbales, de l'autre la bouteille fermée. Et avec le sourire d'un chat devant une pelote de laine sur les lèvres.