Le Aki est un être curieux. Ainsi avait-il décidé de parcourir l'immense château de fond en comble. Mais, comme je viens de le dire plus tôt, le château étant immense, il arriva devant la bibliothèque un peu fatigué par sa prommenade. Poussant les portes, il tomba en arrêt devant l'inimaginable quantité de livres et d'étagères. Fichtre, il devait vraiment avoir l'air d'un nain au milieu de tout ça. Il parcourut un moment la vaste pièce, la bouche et l'oeil grands ouverts, avant de se rappeller qu'il avait vagument sommeil. Il fit alors plusieurs allers et retours avec l'air d'un chien sur la piste d'un os juteux à souhait et plein de moelle. Puis il trouva enfin le Saint Graal, l'endroit idéal pour piquer un petit somme : une moelleuse banquette recouverte de velour cramoisi, dont le placement idéal sous une haute fenêtre faisait qu'elle était baignée par les rayon du soleil déclinant petit à petit à l'extèrieur. Attrapant un livre au hasard, il fallait bien essayer de tromper un minimum l'ennemi, il s'étendit paresseusement sur la banquette, une main en guise d'oreiller, l'autre protègeant son oeil de la trop forte luminosité. Tendant un peu le bras, il se mis à détailler sa main avec un peu plus d'attention, tandis que le livre posé sur son ventre se soulevait à intervalles réguliers.
Sa main ressemblait à celle d'un enfant, un enfant sous alimenté, certes, mais tout de même un enfant. Un enfant qui aurait eu quelques écailles ça et là, et des longs ongles naturellement noirs. Mais pas un noir noble, un noir de ce qu'on appellerait "noir d'encre", "noir corbeau", "ébène", "jais"...non, plutôt un noir qui rappellait la crasse, et qui semblait toujours tendre au gris, sans pour autant cesser d'être noir.
Il faudrait peut-être que je songe à les couper, pensa-t-il rêveusement en faisant des cercles dans l'air avec sa main.
A cette idée un soupir qui signifiait "on verra bien plus tard" lui échapper, et il se tourna sur le côté, faisant glisser le manuscrit qui tomba sur le sol avec un bruit mat, étouffé par la moquette qui le recouvrait. Baillant avec paresse, et trop occupé à tenter de préserver la délicieuse sensation de son sang froid se réchauffant doucement à la chaleur de l'astre solaire, il se dit qu'il le ramasserait à son réveil, en espèrant que l'objet ne lui en veuille pas trop.
Il était si bon de laisser son esprit sombrer lentement, qu'il en aurait presque ronronné, si seulement il avait été à moitié chat.